WARFARE

ÉTUDE DE CAS

 

 

L’indéfectible drame d’Alex Garland, Warfare, suit un peloton des forces spéciales SEALs de la marine américaine sur une période de 36 heures, durant la guerre de 2006 en Irak. Le film relate l’expérience des membres de cette unité spéciale, pris dans une embuscade lors d’une mission de reconnaissance. Coincés dans une maison irakienne, ils attendent les secours aux côtés de leurs camarades gravement blessés, alors que les insurgés s’activent autour d’eux.

Écrit et réalisé par Ray Mendoza, un ancien combattant en Irak, et Alex Garland (films Civil War, 28 Days Later), Warfare est produit par DNA Films et distribué par A24. En 1 heure et 35 minutes d’action intense et incessante, Warfare révèle la nature de la guerre avec un réalisme brutal; les 200 plans d’effets visuels invisibles créés par Cinesite ont rendu cela possible.

Simon Stanley-Clamp, de Cinesite, a supervisé les effets visuels du film et était présent tout au long du tournage à l’aérodrome de Bovingdon Airfield, dans le Hertfordshire, au Royaume-Uni, où un plateau de tournage d’environ 15 à 20 habitations construites en entier ou en partie a été érigé avec grande minutie.

Entretien avec Simon Stanley-Clamp, superviseur des effets visuels 

Pouvez-vous décrire les premières discussions sur l’approche des effets visuels?
Je me suis impliqué dans la production assez tôt. Dans les réunions, Alex (Garland) nous a expliqué le film et l’approche factuelle qu’il souhaitait – toujours utiliser un travail de caméra physiquement plausible, comme si le film était un documentaire. Il fallait des caméras au poing qui se déplacent à l’intérieur des maisons et autour des soldats, à leur niveau, sans plans d’effets visuels trop voyants.

À quel point l’action a-t-elle été filmée de manière réaliste?
Tout devait être ancré dans la réalité, le spectateur devait être au cœur de l’action comme un observateur, au milieu des soldats. L’objectif était toujours de rendre l’action le plus fidèlement et le plus réalistement possible. Pour ce faire, le son jouait un rôle très important; des haut-parleurs étaient intégrés à tout le plateau de tournage, de sorte que quand vous entendiez un coup de feu dans le film, vous l’entendiez aussi sur le plateau. Lorsqu’un avion à réaction survole nos têtes, le son est amplifié et quand un chien jappe dans la rue, on l’entend aussi sur le plateau. Cette façon de faire a donné une fabuleuse impression de réalisme pendant le tournage, tant pour les acteurs que pour l’équipe.

Des explosions et des effets pyrotechniques sont déclenchés dans Warfare. Comment se sont intégrés les effets visuels?
Les responsables des effets spéciaux ont fait un travail remarquable : les explosions, les projectiles d’armes, les détonations, etc. ont été traités de façon logique autant que possible. C’était vraiment un effort collectif, les effets visuels prenant en charge ce qui n’était pas réalisable par les effets spéciaux, pour faire apparaître ou disparaître toute trace de leur travail.

L’équipe des effets spéciaux a ajouté aux murs des éléments de maçonnerie pour que les balles donnent l’impression de frapper les surfaces – nous avons changé leur aspect sur les murs jusqu’au moment de l’impact, où ils se révèlent. Les chars d’assaut n’ont jamais tiré de vrais projectiles, alors nous avons dû ajouter numériquement des flashs de détonation et des nuages de fumée et de poussière éjectés par les canons. Lorsque leurs projectiles percutent les murs, il s’agit soit d’impacts entièrement en images de synthèse, soit d’effets spéciaux augmentés. J’ai passé une journée à filmer des explosions sur écran bleu, des flashs de détonation, des coups de maçonnerie, des étincelles, toute une gamme d’effets spéciaux que nous pourrions exploiter plus tard, et qui correspondent aux armes et à l’artillerie utilisées pendant le tournage.

Qu’en est-il des explosions les plus importantes?
Dans une séquence, Al-Qaïda a fixé un engin incendiaire à la base d’un lampadaire de rue, qui se déclenche à l’instant où les soldats sortent d’une maison, provoquant une énorme explosion aux effets destructeurs. Cette explosion a été filmée au moyen de sept caméras à partir de perspectives multiples et le plan est vu dans le montage final sous quatre angles consécutifs.

 

La détonation du char d’assaut projette des éclats phosphorescents qui s’envolent dans toutes les directions comme des feux d’artifice fumants avant d’atterrir au sol et de continuer à brûler pendant plusieurs minutes. Pendant le tournage, nous avons placé des lumières blanches fumantes sur le sol pour représenter les flamboiements. Finalement, nous les avons remplacés numériquement, en ajoutant la fumée blanche et en modifiant la lueur luminescente dans un souci de continuité.

 

 

 

À quel point les ambiances dans Warfare étaient-elles importantes, et comment ont-elles été produites?
Après l’énorme explosion de l’engin, un épais nuage de fumée et de poussière se forme. Il représente l’isolement, la confusion et le chaos de la situation, alors que les soldats reviennent à eux et tentent de comprendre où ils sont et ce qui s’est passé. Nous avons utilisé une combinaison d’effets spéciaux sur le plateau et nos propres simulations de fumée pour ajouter de la poussière plus sombre et de la fumée phosphoreuse blanche. Elle a été fortement dégradée en postproduction pour donner une ambiance sombre, jaune-vert, rappelant le gaz moutarde.

Quels effets visuels d’environnement ont été créés par Cinesite?
L’immense plateau a été construit au Bovingdon Airfield sur ce qui était un parc de stationnement. Grâce à leur lunette de visée, les soldats observent, depuis la maison, une rue entière et un marché. Le niveau de détail atteint a été incroyable, que ce soit pour les textures de murs, les articles du marché, etc.

Deux grands écrans bleus ont rempli les espaces derrière les bâtiments construits, soutenus par des écrans bleus plus petits sur des chariots télescopiques Manitou qui pouvaient être actionnés et repositionnés selon les besoins. La rue a été prolongée numériquement et une ville a été ajoutée derrière, en utilisant des références du décor physique et une combinaison de photogrammétrie et de référence de texture. Réaliser cet objectif avec précision était primordial : il fallait assurer une continuité transparente entre l’environnement physique et l’environnement numérique. Pendant la majeure partie du film, la rue semble faiblement peuplée, reflétant sa situation dans une zone de guerre. À part les rideaux qui s’agitent et les vêtements accrochés aux cordes à linge, les signes de vie sont rares.

À plusieurs reprises, nous avons une vue en plongée de la rue prise à partir d’un avion d’observation en trajectoire circulaire, avec des soldats, des insurgés et des chars d’assaut apparaissant comme des points lumineux et mobiles sur le sol. Pour ces prises de vue, où la géographie des rues devait être fidèlement recréée et facilement compréhensible, nous avons utilisé notre modèle 3D pour reconstruire la zone élargie. J’ai installé un grand écran bleu à Bovingdon pour imiter notre rue, et nous avons utilisé un drone pour filmer une séquence d’action vue d’en haut, des soldats et des civils, tout au long d’une journée. Les scènes d’action filmées en direct ont été extraites de l’écran bleu et grandement remodelées en postproduction pour créer les signatures thermiques des soldats manœuvrant dans les rues, dans l’ombre des rebelles. Pour une reproduction fidèle des drones de surveillance rudimentaires de 2006, les images ont dû être dégradées, pour plus d’authenticité.

Pouvez-vous décrire comment les plans de « démonstration de force » ont été réalisés?
La « démonstration de force » est un terme militaire qui désigne le passage à basse altitude d’un avion à réaction (dans ce cas-ci, un F16) pour intimider les habitants locaux. L’avion est gros et puissant, et le jour où les plans ont été tournés, le son a été joué en direct sur le plateau, si fort qu’il a grondé à travers les bâtiments. L’effet était monstrueux. Nous nous sommes basés sur de vraies images d’avions à réaction et savions que les avions volant au ras du sol soulèvent de la poussière qui n’apparaît qu’après que l’avion a entamé son arc ascendant, au moment où ses propulseurs expulsent le sol. La démonstration de force se produit trois fois dans Warfare, une fois sous un angle latéral et deux fois de face depuis le centre de la rue.

Le décor a été reconstitué à partir d’un scan LiDAR 3D de la rue, pour que la poussière réagisse le plus naturellement possible. L’équipe des effets de Cinesite a simulé la poussière, avec des tourbillons et des panaches de poussière qui s’enroulent et envahissent la rue, puis heurtent les murs extérieurs des bâtiments.

Avez-vous créé d’autres effets visuels invisibles?
Des améliorations ont été apportées aux membres artificiels et aux traces de sang, et d’autres nettoyages ont été nécessaires pour maintenir la continuité. Le ciel aussi a subi quelques remplacements ou améliorations.

Après avoir visionné la version finale du film pour la première fois, quelles ont été vos impressions?
J’avais vu le film à plusieurs reprises pendant la postproduction, en partie ou en totalité. Comme nous étions installés dans les salles de montage, nous avions entièrement accès au projet en développement et fournissions des employés temporaires à mesure que le montage avançait. De plus, grâce à la livraison des effets visuels finaux à DI, nous avons pu voir nos plans finaux et continuer à adapter tout ce qui clochait pour les pixels finaux.

Une fois le tout livré, et dans les derniers jours de la postproduction, nous avons assisté au mixage sonore final à Pinewood. Je l’ai dit à beaucoup de monde et ça me fait encore sourire, mais quand j’attendais pour entrer à l’intérieur du cinéma, l’un des techniciens m’a dit : « Le son est vraiment fort… non, vraiment fort, on peut l’entendre jusque dans le stationnement… »

Warfare est un raid, un assaut pour les sens. Des journalistes de loin les plus qualifiés ont fait l’éloge de ce film dans d’innombrables publications, je n’essaierai donc pas d’en rajouter, mais je suis très fier d’avoir participé, ne serait-ce qu’un peu, à cette production; elle est poignante, pertinente, et j’ai emmené beaucoup d’amis et de membres de ma famille voir ce film. Je suis toujours ravi qu’il suscite autant de conversations et, comme l’a dit Alex aux acteurs et à l’équipe, les gens parleront de ce film pendant des années.

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