Witcher Aeschna 1

THE WITCHER : TROISIÈME SAISON

ÉTUDE DE CAS

La troisième saison de The Witcher débute avec Geralt, Yennefer et Ciri fuyant les monarques, les mages et les bêtes du continent, tous rivaux dans leur quête de capturer Ciri. Après avoir créé les terrifiants Basilisks, Chernobog, Kikimora et Striga pour les saisons précédentes et avoir reçu un prix BAFTA pour notre travail sur la deuxième saison, nous avons été mis au défi de créer des créatures plus étranges et plus horribles que ce que le public avait vu jusqu’à maintenant.
Richard Reed, superviseur VFX, et Samir Ansari, superviseur des images de synthèse chez Cinesite, nous donnent un aperçu fascinant du travail de Cinesite sur la troisième saison : le Monstre de Chair, Aeschna, l’anneau de feu et la destruction d’Aretuza.

L’Aeschna

Le combat contre l’Aeschna se déroule sur un traversier à chaînes qui emmène Geralt et Ciri à Aretuza. La créature sort soudainement et effroyablement de l’eau sur le pont confiné, s’agrippant à l’un des passagers. Ciri lutte contre la créature, avec l’aide de Geralt.

Comment la séquence a-t-elle été filmée et l’apparence de l’Aeschna, conçue?
Richard : J’étais sur le plateau avec le superviseur VFX du studio, Tim Crosbie, pendant qu’ils filmaient l’action sur un plateau partiel de 180 pieds de large aux Longcross Studios, sur fond de cyclorama bleu. La production avait prévisualisé la séquence et l’équipe de cascadeurs s’en était servie comme référence pour chorégraphier le combat. Certains aspects du combat ont été modifiés pendant le tournage, mais la plupart sont restés intacts.

Les dessins originaux de l’Aeschna provenaient du service artistique et s’approchaient pas mal de la version finale, même si la créature avait initialement une tête ressemblant à celle d’un requin-gobelin. On a retravaillé son apparence pour qu’elle corresponde mieux aux exigences de la séquence et pour lui donner une mâchoire et une dentition plus grosses, ce qui rendait la créature plus menaçante. La production avait construit une maquette géante de la queue pour la référence d’éclairage et pour donner une idée générale de l’envergure de la créature sur le plateau. Pour la texture de la peau, on a utilisé diverses références d’amphibiens, comme des grenouilles et des salamandres, en portant attention à la patine de surface, aux pores et aux plis.

Vers la fin de la séquence d’Aeschna, la queue de la créature se prend dans le mécanisme d’engrenage du transbordeur à chaînes et est arrachée, ce qui nous permet de voir ses muscles et ses os internes. On devait créer trois cadriciels pour la créature : l’Aeschna complet et sans blessure, l’Aeschna sans queue et, enfin, la queue démembrée.
La créature étant progressivement blessée tout au long de son combat avec Ciri, un système avec blessures progressives a été nécessaire pour garantir, grâce à une planification minutieuse, l’introduction de chaque partie blessée au bon moment de la chorégraphie, en mélangeant les transitions jusqu’à la version finale, sans queue et sans vie. Le délai de production était court et les CFX nécessaires à la création de la queue étaient complexes, car le sang et l’intérieur du corps se devaient d’être réalistes.

Qu’en est-il du mouvement de l’Aeschna?
Richard : L’Aeschna était plutôt grand pour l’espace clos sur le bateau, ce qui a posé quelques défis sur le plan de l’envergure et de la chorégraphie. La production avait ajouté des bâches sur les côtés du bateau pour les surélever, réduisant de cette façon le travail de bordage nécessaire pour la mer et l’horizon. D’un autre côté, on devait éviter l’interaction de la créature avec ces bâches, car cela aurait nécessité un effet visuel supplémentaire. Ça a ajouté aux défis liés à l’envergure et au positionnement, et il a parfois été difficile de placer les caméras virtuelles dans l’espace disponible sans que la créature ne se projette à travers la caméra. Cela dit, ça a créé un sentiment de claustrophobie qui renforce l’impression de menace.

Les premiers cycles de marche ont montré que l’Aeschna se déplaçait au ras du sol comme un alligator ou un crocodile. L’équipe a exploré des moyens de rendre la créature dynamique et a travaillé sur des poses clés comme un élément important du processus. L’Aeschna a été animé plan par plan, tenant compte de la chorégraphie des combats et de l’espace limité sur le pont. Même si la créature était lente et lourde, elle devait être crédiblement dangereuse et difficile à tuer. Elle avait six pattes proches du sol et on lui avait ajouté de petites griffes ressemblant à celles d’un ours à l’avant et une gueule qui claque comme un alligator pour accentuer la menace.

Parlez-nous de l’utilisation de liquides dans la séquence.
Richard : L’Aeschna se projette directement de la mer sur le pont, de sorte que lorsqu’il atterrit, il est encore humide, mais il sèche progressivement tout au long de la séquence. On l’a démontré en créant trois apparences différentes de son corps humide. Le plus souvent, on a utilisé l’apparence la plus brillante (la plus humide) pour que la peau scintillante ressorte du pont, car la créature était assez foncée. L’équipe de composition a réalisé un excellent travail en incorporant les empreintes humides de la créature sur le pont, les éclaboussures de sang, les jets d’eau, etc.; tous ces éléments ont vraiment contribué à rendre la séquence réelle.

Samir : Il y a deux types particuliers d’eaux. D’abord, il y a le prolongement de l’eau de l’océan en images de synthèse et ensuite, il y a l’eau qui provient de l’action, comme les éclaboussements de la créature mouillée sur le pont. L’eau de l’océan était tout un défi, puisqu’on devait simuler avec précision la vitesse du bateau pour que le bateau réagisse de manière réaliste avec la surface de l’eau. On a créé de 300 à 400 mètres d’eau autour du bateau et on s’est assurés qu’elle resterait en position devant la caméra qui s’approcherait de sa surface.

Les travaux de consolidation pour créer l’eau de la séquence avec l’Aeschna ont été les plus complexes. L’Aeschna se déplace très vite et pour que l’eau soit visible, on a presque dû la traiter de manière hyperréaliste, en jouant sur l’éclairage et même sur la gravité. Pour les images de la créature qui saute de l’eau et atterrit sur le pont, plusieurs couches de simulation d’eau ont été nécessaires; c’était en plein jour, la caméra était proche de l’action et l’eau devait sembler très réelle. Le délai d’exécution était court et l’animation changeait jusqu’à la fin; on n’avait pas le temps de simuler à nouveau tous les aspects. En fin de compte, on a créé deux types d’eaux : l’eau qui réagissait aux mouvements de la créature et l’eau qui n’y réagissait pas. Cela nous a permis de nous assurer que la séquence serait livrée à temps.

On a créé la bave à l’intérieur de la gueule de la créature, en tenant compte de petits détails comme les bulles d’air qui s’y formaient et en ajoutant le bon niveau de viscosité à la salive. On a conçu le sang vert de l’Aeschna, à la demande du client. Mais comme la couleur n’était pas reconnaissable tout de suite, on devait s’assurer que le sang s’agglutinait et se comportait comme tel.

Le Monstre de Chair

Dans le deuxième épisode de la saison, Geralt rencontre, dans les donjons du château de Vuilpanne, le Monstre de Chair, une horrible fusion de torses et de membres de femmes capturées avec lesquels le puissant sorcier Vilgefortz effectue des expériences.

Quel type de concept vous a été fourni pour le Flesh Monster et comment son apparence a-t-elle pris forme?
La responsable des éléments et du développement visuel, Maddie Scott-Spencer, et le sculpteur principal de créatures, Jonathan Reilly, ont travaillé à partir du briefing initial pour créer une créature composée de plusieurs corps humains fusionnés en un seul, en utilisant certaines des poses originales et des aspects intéressants de l’art conceptuel de la production, en les adaptant et en les remixant pour créer une série de concepts avec ZBrush. Nous avons également reçu une prévisualisation qui utilisait l’idée du corps comme un noyau solide de chair, mais cela ne suffisait pas pour créer une menace. Le combat a été chorégraphié avec trois cascadeurs qui jouaient côte à côte, donc nous savions qu’il serait large, mais nous devions trouver un moyen de lui donner la hauteur nécessaire pour paraître intimidant.

Premièrement, on devait déterminer le nombre de femmes dont était constitué le monstre. On s’est retrouvés avec des membres et des parties du corps de cinq à sept femmes. Il y avait un corps qui traînait en tout temps derrière son torse, toujours dirigé dans le mauvais sens; ça nous a aidés à nous orienter, car cette créature peut pivoter sur son axe. Cet avantage est très dangereux pour n’importe quel adversaire – au moment où vous pensez savoir ce que vous combattez, le torse bascule et vous devez affronter quelque chose d’autre. Le torse arrière est le premier à être poignardé et, à partir de ce moment-là, il est déplacé vers l’arrière de la créature.

Qu’en est-il de l’anatomie et des mouvements du Monstre de Chair?
Richard : Les influences de l’anatomie de la créature ont été nombreuses et intéressantes, entre autres les membres allongés de personnes ayant des troubles du tissu conjonctif, les membres à double articulation et le polydactylisme.
Décider comment le Monstre de Chair bougerait a été l’un des aspects les plus difficiles. Maddie a créé une ébauche de positionnement et de mouvement de la créature à partir d’une géométrie de base. Ces sculptures ZBrush ont été placées sur la visualisation des cascades comme guide pour que l’équipe de cascadeurs puisse comprendre où les épées seraient positionnées et comment la créature s’intégrerait dans la chorégraphie de combat. Le mouvement se basait sur des poses précises qui remplissaient le cadre de la caméra de la manière la plus dynamique qui soit. On ne s’est pas tout à fait arrêtés à cette première visualisation, mais elle nous a informés et inspirés et a constitué un excellent point de départ.

La modélisation a commencé en juin 2022, avec des versions provisoires de tout ce qui avait été créé en novembre, parce qu’on devait rendre les résultats finaux en février. Finalement, tout s’est exécuté très vite.

Samir : Très tôt, on a réalisé qu’à cause du délai de livraison très court, on ne serait pas en mesure de créer un système musculaire standard ou traditionnel. Le superviseur FX, Ruggero Taschini, et nos directeurs techniques ont mis au point un système musculaire et squelettique procédural incroyablement polyvalent qui a très bien fonctionné. Il fallait essentiellement prendre les points de chaque articulation et les relier pour créer de manière procédurale une forme squelettique simple. À partir de ce squelette, sur la peau, on a peint avec soin des zones musculaires respectant l’anatomie. Ça a généré automatiquement des formes musculaires qui se fixaient au squelette sous-jacent. On les a combinées avec un grand nombre de formes agencées de flexions pour obtenir un résultat à la fois réaliste et dynamique. Un autre avantage de ce système procédural était que les mises à jour de la conception ou de la modélisation ne nécessitaient pas de retourner à la planche à dessin sur le système musculaire; on a pu faire des retouches rapides.

L’Anneau de feu

Pendant un conclave entre les mages de l’Aretuza (une académie magique pour jeunes filles) sur l’île de Thanedd, la violence éclate et un coup d’État a lieu, qui aboutit à la destruction de Tor Lara, la tour de l’île de Thanedd. Les deux groupes de mages discutent de politique autour d’une table, sous un énorme anneau de feu qui flotte au-dessus d’eux.

Qu’est-ce que l’anneau de feu et comment est-il détruit?
Richard : L’anneau de feu ne figure pas dans les livres et n’a pas été vu dans les saisons précédentes. Il a été conçu par le réalisateur comme un moyen astucieux d’augmenter de façon spectaculaire l’éclairage de la cour où se déroulent les pourparlers, tout en créant une atmosphère de solennité; ces conversations sont d’une importance vitale.

Les combats éclatent et notre équipe a fourni une grande partie des effets visuels pour la séquence d’après montrant la destruction de l’intérieur et de l’extérieur d’Aretuza. Tout cela aboutit à une décharge d’éclair de Tissaia qui frappe l’anneau, lequel se désintègre et tombe au sol.

Samir : On a joué un rôle déterminant dans la conception de l’anneau de feu. On a commencé par l’imaginer comme une lampe qui éclairerait la cour d’en dessous, en explorant des idées et en travaillant avec le client pour décider d’une approche. La caméra était très proche de l’anneau dans certains plans et, même si la simulation pyrotechnique avait un diamètre de plus ou moins 50 mètres, elle devait passer le test du regard critique.

Finalement, on a utilisé un genre de bande celtique avec un feu éthéré qui s’accroche magnétiquement à sa surface. Cette étape était particulièrement difficile, parce le feu a tendance à être imprévisible et il est difficile de le diriger. On avait besoin de deux couches (une pour l’intérieur et l’autre pour l’extérieur de l’anneau) qui devaient avoir une direction et un flux précis. On a créé deux systèmes pour l’anneau, qui ont nécessité des mouvements de feu différents. Le premier a servi pour la séquence où l’on voit le feu dans le ciel et le deuxième, pour les plans d’après, quand l’anneau est détruit et se désintègre en tombant dans la cour. L’anneau a un aspect de corps rigide et on avait besoin que le feu s’écoule lorsqu’il tombe du ciel, qu’il se comporte un peu plus comme du napalm, presque comme un liquide. On lui a donné de l’ampleur en ajoutant aussi des braises qui tombaient des flammes.

On devait voir l’anneau de plusieurs points de vue, on s’est donc assurés qu’il avait l’air réel sous tous les angles. Il a été complexe à créer, et les plans dans lesquels l’anneau s’effondre ont été parmi les derniers à être livrés.

La destruction d’Aretuza

Au plus fort d’une bataille sauvage à Aretuza, une académie magique sur l’île de Thanedd, le septième épisode s’ouvre sur un long plan de 30 secondes où la caméra parcourt la cour intérieure, montrant chaos et destruction, pour finir en gros plan sur l’action.

Comment avez-vous traité le long plan? Qu’est-ce qui a bel et bien été filmé et qu’est-ce qui a été créé en images de synthèse?
Richard : Le plan commence sur un mur éloigné à l’intérieur du bâtiment et la production a filmé une plaque de drone sur une scène intérieure en utilisant des lumières au tungstène de jour. On devait faire la transition. La zone de la cour, en bas, était surtout utile. On avait ajouté plus de fumée et de flammes, avant de faire marche arrière et que la caméra continue de se déplacer; on devait alors s’assurer que la transition se fasse entre ces séquences de plaque et les autres. Pour le reste du plan, en majeure partie, la plaque du drone a été remplacée ou l’environnement et tout son contenu ont été ajoutés en images de synthèse, y compris les lutins des personnages en guerre, la fumée, le sang, les feux, les boucliers et divers effets visuels. Un grand nombre d’éclairages interactifs et de montages compliqués ont été nécessaires.

Samir : Les saisons précédentes avaient montré la cour de loin, mais jamais d’aussi près qu’elle devait l’être dans cette saison. On a donc dû la reconstruire au complet, pour qu’elle soit aussi réaliste que possible aux yeux des gens. En se basant sur le mur des Lamentations près de Jerusalem, on a construit quelque chose d’aussi précis que possible sur le plan structurel, en y ajoutant des détails tels que des briques et des pierres variées comme revêtements de maçonnerie. Des versions de la cour, avant et après sa destruction, ont été créées pour être utilisées à mesure que la bataille progresse. De multiples variantes de pierres brisées, de brasiers et de colonnes et piliers tombés ont été créées et la structure a été séparée en un énorme lot de pièces que l’équipe FX a pu disperser.

Pouvez-vous nous parler de la destruction de Tor Lara?
Richard : Vers le point culminant de la bataille, Tissaia invoque le tonnerre d’Alzur et les éclairs jaillissent, affectant la structure centrale du bâtiment avant que le monolithe de Tor Lara (la tour de la Mouette) ne s’effondre dans la mer. Les premières explorations ont porté sur l’aspect de l’éclair frappant la tour, sur la manière dont il pourrait interagir avec les nuages et l’environnement plus étendu. On voit la destruction de la tour du point de vue d’une falaise éloignée, l’environnement étant élargi pour montrer d’autres falaises à gauche et de l’eau à droite. Il fallait ajouter des nuages au-dessus de l’Aretuza, mais pas autour, de sorte que la perspective et l’emplacement de la lumière conviennent au cadre de la prise de vue. Des touches supplémentaires, comme des éclairs réalistes dans les nuages en réaction à l’impact initial, ont aussi été ajoutées.

Samir : L’équipe FX a cherché des références sur des explosions et des démolitions contrôlées. On a constaté que de petites poches de fumée de couleurs différentes étaient souvent visibles, selon la substance particulière qui se désintégrait dans cette zone, et que les trous d’air donnaient à la fumée des vitesses différentes. La fumée a tendance à former un gros nuage, masquant la destruction sous-jacente. On a donc utilisé ces petites zones de destruction pour créer des couches plus subtiles, en perçant des trous dans des zones clés du cadre et en ajoutant des simulations de vent pour souffler la fumée vers différents endroits. Des simulations de vent ont également été utilisées pour les giclées d’eau, par exemple quand des débris frappent l’océan et font jaillir de l’eau, ce qui a permis de conserver l’idée de grandeur.

Quel est le plan VFX de Cinesite que vous préférez?
Samir : Pour ma part, je dirais le survol de 30 secondes de la séquence de combat qui a suivi celle d’Aretuza, qui commence par des images de synthèse et finit par de l’action directe. Il comporte 720 images qui, selon moi, ont un effet important dans le contexte narratif.

Richard : Je ne peux passer à côté du plan dans la cour, celui où l’on regarde l’anneau de feu, les flammes et les gouttes de lave qui tombent alors que l’anneau se désintègre et s’abat au sol. On avait commencé avec pas grand-chose pour arriver à une prise de vue vraiment spectaculaire et puissante. J’aime aussi le Flesh monster. J’ai toujours voulu avoir l’occasion de travailler sur quelque chose comme ça; la créature est à la fois bizarre et effrayante, et on a contribué beaucoup à son apparence et à la beauté de cette séquence. Je suis fier du travail de tous les membres de l’équipe. Ils ont tapé en plein dans le mille!

Regardez l’interview de Netflix avec le superviseur de la production VFX, Tim Crosbie, sur le tournage de The Aeschna.

  • Studio : Netflix
  • Date de sortie : 29 Juin (1-5), 27 Juillet (6-8)
  • Superviseur VFX de la production : Tim Crosbie
  • Producteurs de VFX pour la production: Angie Wills, David Stephens
The Witcher : Troisième saison

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