Teenage Mutant Ninja Turtles: Mutant Mayhem ramène les quadruplés reptiliens emblématiques dans une nouvelle et folle aventure, qui se joue dans le monde animé de la ville de New York.
Le film suit les quatre frères tortues qui se sont donné comme mission de gagner le cœur des New-Yorkais, espérant être acceptés par eux comme des adolescents normaux. Avec l’aide de leur nouvelle amie April O’Neil, ils s’attaquent à une organisation criminelle, mais les choses deviennent de plus en plus dangereuses quand une armée de mutants est envoyée à leurs trousses. Teenage Mutant Ninja Turtles: Mutant Mayhem se démarque de tous les autres films avec son approche unique de la tendance actuelle des visuels non-photoréalistes (NPR) stylisés et exagérés et en faisant appel à des adolescents pour interpréter les Tortues pour la première fois en près de 40 ans d’histoire de la franchise. Brady Noon, Shamon Brown Jr, Nicolas Cantu et Micah Abbey incarnent respectivement Raphaël, Michelangelo, Leonardo et Donatello.
Fournisseur principal du film, Mikros Animation, à Montréal et à Paris, a reçu l’aide de Cinesite, à Vancouver et à Montréal, qui a produit 21,5 minutes d’animation réparties en 20 séquences.
Il s’agit de la deuxième collaboration du studio avec Paramount, après Paws of Fury: The Legend of Hank (2022). Le film est également la première production cinématographique animée en images de synthèse de Nickelodeon Animation et sa première collaboration avec Cinesite.
L’équipe de Cinesite a travaillé sur le projet pendant 11 mois. Elle était dirigée par le superviseur des effets visuels Chris Kazmier et le superviseur de l’animation Eric Cheung, qui nous ont tous deux parlés des aspects fascinants du travail de Cinesite sur le remake des Tortues Ninja.
À l’origine de l’esthétique du film
Le réalisateur Jeff Rowe voulait que Mutant Mayhem ait un aspect différent de ce qui est généralement attendu d’un film d’animation. Son but était de faire en sorte que le film ressemble beaucoup à ses d’images-concepts. Le réalisateur s’est inspiré des croquis remplis de traits exagérés et d’hachures qu’il dessinait dans ses cahiers lorsqu’il était adolescent, pour créer un film d’animation qui refléterait ce style original.
Le concepteur de production Yashar Kassai a trouvé que travailler sur le film à partir d’un style fragmenté et rudimentaire était l’un des plus grands défis du projet. Rowe, Mikros et Kassai, qui ont développé l’esthétique du film, ont encouragé les artistes de Cinesite à accepter les imperfections et à aborder l’esthétique et le mouvement dans leur travail comme des adolescents. Kassai leur a parlé de la série télévisée de 1987, de la série de films originale et de la gamme de jouets classiques, qui ont été de grandes sources d’inspiration pour l’équipe de production : « On s’est replongé à l’époque où l’humour grossier et juvénile était le style comique du moment. On a donc commencé par là, mais on a ensuite ajouté une bonne couche de dessins d’adolescents par-dessus. » Il a également mentionné le long métrage Chungking Express (1994) comme ayant grandement influencé les images du film.
Les personnages de Teenage Mutant Ninja Turtles: Mutant Mayhem – dont l’origine remonte à la série de bandes dessinées créée par Kevin Eastman et Peter Laird au début des années 1980 – sont devenus très populaires et ont perduré dans le temps, que ce soit sous forme de bandes dessinées, de jouets, de séries télévisées animées, de versions de longs métrages et autres. Teenage Mutant Ninja Turtles: Mutant Mayhem est un volet particulièrement réussi dans la filmographie des Tortues.
Chris: Nous nous sommes particulièrement inspirés de la palette de couleurs des jouets et leurs dimensions. Même la palette de couleurs de la série animée originale a eu une grande influence sur le film. Dans la séquence sur le laboratoire de l’entreprise Techno Cosmic Research Institute (TCRI), le jouet original Technodrone a inspiré le décor et a été une référence pour le surfaçage. Le résultat rappelle les dessins d’un cahier d’écolier filmé avec une caméra de cinéma haut de gamme, un objectif anamorphoseur et une équipe d’éclairage complète. L’idée était de rendre le tout cinématographique et à grande échelle, mais avec des couleurs et des détails imparfaits.
Imparfaits, parce qu’il n’y a pas de silhouettes parfaites et que tout est tracé à gros traits. Il y a du grain de film, du bruit, des reflets d’objectifs, de la poussière sur l’objectif, etc.; vous ne pourriez pas trouver ces couleurs sur une cercle chromatique. Tout est mélangé et barbouillé, souvent avec du gris, donnant une apparence de coups de pinceau rugueux sur les transitions. C’est exactement ce qu’un moteur de rendu moderne ne fait pas, d’où le défi pour tous les départements en arrière-scène. Nous avons mis en place un département d’effets 2D traditionnels au sein du département d’effets et de simulations de Cinesite et avons créé de nombreux plans « hybrides », et d’effets complètement dessinés à la main qu’on pouvait ensuite intégrer aux plans finaux.
En ce qui concerne l’apparence des Tortues elles-mêmes, Jeff Rowe voulait qu’elles aient l’air d’adolescents; on a donc opté pour une version des tortues moins costaudes que les précédentes, créant ainsi quelque chose de nouveau, de frais et auquel on peut plus facilement s’identifier. Il en résulte des Tortues un peu plus maigrichonnes, dont la stature ressemble davantage à celle d’adolescents.
En savoir plus sur la nouvelle apparence des Tortues Ninja que notre équipe a aidé à créer pour les spectateurs.
Eric: Mikros a fourni des textures et des modèles pour tous les actifs 3D partagés avec Cinesite. L’équipe a utilisé ces informations pour recréer les nuanceurs et l’apparence finale des personnages pour qu’ils correspondent au style visuel et au langage définis par les réalisateurs. L’équipe de squelettage (rigging) a aussi dû monter tous les modèles qu’on avait reçus. Certains personnages, accessoires et lieux n’apparaissaient que dans les séquences de Cinesite; ces éléments ont été créés en collaboration avec l’équipe artistique de Nickelodeon. Pour le département d’animation, la collaboration a été plus importante lors des premières étapes, quand Mikros nous a partagé quelques séquences de référence sur lesquelles son équipe avait travaillé. Ils nous ont également fourni des guides de style. À l’aide de ces références, nous avons procédé à des tests d’animation à l’interne pour s’assurer que nous collions au style, puis nous avons obtenu les commentaires du réalisateur sur ces tests. Une fois que les choses ont démarré et que nous nous affairions tous à la production du film, il y a eu moins d’interactions entre les département d’animation des deux studios, mais nous avons gardé de bonnes relations.
Pour la première fois, les voix des Tortues sont interprétées par de vrais adolescents! Écoutez les réalisateurs et les acteurs des Tortues Ninja discuter des raisons qui les ont poussés à adopter cette approche.
Animer comme des adolescents
En ce qui concerne l’animation, Cinesite devait s’imprégner de cette atmosphère d’adolescence que les réalisateurs voulaient transmettre. Cela signifiait que les actions devaient être choisies pour être des plus naturelles, avec un minimum de gesticulations et de clichés théâtraux. L’un des films d’action que Jeff Rowe a utilisé comme référence était Attack The Block, un film dans lequel un groupe d’adolescents armés lutte contre une invasion extraterrestre.Le style d’action et de combat, quant à lui, a été inspiré par Jackie Chan, par exemple en utilisant des accessoires pour prendre le dessus et en démontrant un niveau d’effort crédible en effectuant les mouvements et la chorégraphie.
L’équipe de Cinesite a reçu des modélisations de personnages et des images de transition (blendshapes) de Mikros, pour lesquelles des squelettes ont ensuite été créés à l’interne et transmises aux animateurs. L’équipe a d’ailleurs conçu le personnage de Cynthia (l’une des malfaiteurs de l’entreprise TCRI) à partir de zéro.
Eric:
En cinq ans de travail chez Cinesite, il s’agissait de mon premier projet qui comprenait des éléments en 3D auxquels on appliquait un traitement 2D. En grande partie, les scènes d’action ont été dessinées en 3D, et traitées avec un moteur de rendu 2D. On avait aussi une équipe d’effets 2D dédiée à améliorer les images lors du processus de postproduction. Le plus grand défi a été le peu de temps que nous avions pour développer des outils alignés avec le travail de Mikros. Le film avançait déjà à plein régime quand nous, les gens de Cinesite, nous sommes joints au projet, alors l’équipe du pipeline a dû agir vite pour développer un outil de dessin pour nous.
Le film a été principalement animé grâce à la technique d’animation en intervalle (on twos), ce qui signifie que chaque pose est conservée pour une image supplémentaire, à quelques exceptions près. L’animation en intervalle a un aspect traditionnel très intéressant. Elle permet aussi aux animateurs de se concentrer un peu plus sur l’espacement, le découpage et le floutage des mouvements. Des images floutées ont été utilisées entre les images clés pour indiquer la trajectoire des mouvements. Certains animateurs aiment de toute façon bloquer leurs plans en huitièmes (3 images/sec) et quarts (6 images/sec), puis en demies (12 images/sec). Pour eux, il s’agissait donc d’une étape de moins que celle qui aurait été nécessaire pour terminer un plan animé en 1s (24 images/sec), cette façon de faire a donc été plus rapide. Cela dit, je conseillerais aux animateurs qui souhaitent explorer ce style visuel de se concentrer sur l’espacement, qui consiste à regarder une série d’images en passant d’une pose à une autre qui est conservée pour une image supplémentaire. On y réfléchit vraiment à deux fois quand on voit chaque « dessin » du début à la fin. Vous pouvez aussi apporter des modifications pour pimenter le tout. Par exemple, dites-vous : « Dans cette pose, qu’est-ce qui mène l’action? L’espacement est-il trop uniforme d’une pose à l’autre? Comment l’énergie se résout-elle à la fin? Quelle est la meilleure image à flouter? » La meilleure façon d’apprendre est de visionner vos films préférés image par image, en étudiant l’espacement.
Eric:
En tant que superviseur de l’animation, il est très gratifiant d’aider à créer quelque chose que d’autres peuvent apprécier, et particulièrement gratifiant de voir les animateurs évoluer et réussir dans leur métier. Cinesite avait déjà réalisé une séquence au rendu non-photoréaliste (NPR) pour un autre film de Paramount Pictures, Paws of Fury: The Legend of Hank. Cette fois-ci, Les Tortues Ninja nous ont permis d’être un allié créatif pour Mikros et d’explorer ce style beaucoup plus en profondeur. C’est le cas par exemple de notre Cynthia Utrom, dirigeante du TCRI (Techno Cosmic Research Institute). Le personnage de Cynthia a été conçu par les créatifs de Nickelodeon, et nous avons finalisé sa modélisation.
Le repaire de Superfly
Eric: Pour créer le repaire de Superfly, l’équipe de surfaçage avait plus de latitude créative, car elle a pu travaillé en étroite collaboration avec l’équipe artistique de Paramount Animation pour peaufiner l’aspect recherché. Faire appel au département de décors numériques (DMP), pour ajouter les lignes de finition aux décors pendant le projet, s’est avéré extrêmement efficace et nous a permis d’éviter de demander à l’équipe de modélisation d’ajouter continuellement des courbes au fur et à mesure que les décors passaient en éclairage.
C’est ce que nous avons fait pour le laboratoire du TCRI. On pouvait aller dans des plans serrés et complètement changer le décor si nécessaire. Ç’a été le cas pour l’éclairage complexe du laboratoire du TCRI où un décor supplémentaire a dû être fourni par le département de DMP. Finalement, cela a ajouté un aspect « peint à la main » aux plans qui a beaucoup plu à l’équipe de création artistique.
La scène de combat de Splinter
Les frères Tortues, soit Michelangelo, Leonardo, Raphaël et Donatello, ont été élevés par leur père adoptif, un rat du nom de Splinter, interprété par Jackie Chan. Plus loin dans le film, au siège social du TCRI, les tortues se font douloureusement « traire » pour leur mutagène avant qu’April n’arrive avec Splinter pour les sauver.
Eric: La séquence du sauvetage de Splinter était difficile. On devait trouver des moyens d’intégrer des chorégraphies intéressantes dans les scènes de combat. On nous a fourni des scénarimages pour l’action, mais on nous a aussi donné un certain contrôle créatif sur la chorégraphie. On a fait des recherches et trouvé des références dans les films de Jackie Chan, puis on a modifié et groupé des extraits, qu’on a ensuite montrés à Jeff et Kyler avant de les intégrer dans nos plans. Par exemple, le tout premier contact de Splinter avec plusieurs gardes est constitué d’au moins huit extraits provenant de huit films différents de Jackie Chan. Les animateurs ont assemblé les mouvements et les ont adaptés pour qu’ils aient l’air de vrais mouvements de rats!
Le réalisateur Jeff Rowe, de TMNT: Mutant Mayhem, parle du style d’animation, de l’influence de Jackie Chan et de la distribution des Tortues avec Screen Rant.
Le défi technique
La création d’outils de lignes en 2D était essentielle pour l’aspect que l’équipe de Cinesite devait reproduire. Le temps de développement et l’échéance de production des Tortues Ninja ayant été très limités, une solution a été élaborée en tirant parti des outils existants d’effets de peinture du logiciel Maya, en ajoutant une interface utilisateur et un contrôleur de gestion des préréglages de pinceaux permettant aux artistes d’enregistrer facilement des préréglages et de choisir la surface sur laquelle ils voulaient peindre. Cette solution a permis aux artistes d’exporter les effets de peinture de Maya sous forme de courbes en USD, pour qu’elles puissent être rendues et ombrées dans Gaffer. L’interface proposait également des commandes pour encadrer et animer les lignes, ainsi que pour les nettoyer et les exporter.
Un autre défi auquel l’équipe de Cinesite a fait face a été de créer des outils pour gérer l’arrivée de données à partir de Mikros. En partageant avec nous de grands décors aux milliers de courbes, notre processus d’intégration a dû inverser la conception des informations de pinceau et de couleur de leurs courbes, en produisant des effets de peinture de Maya compatibles avec notre pipeline.
Chris: Dans l’ensemble, l’un des plus grands défis que l’équipe de Cinesite a dû relever a été de reproduire l’apparence de Mikros, souvent en utilisant seulement des images comme référence. Nous avons eu recours à de nombreuses astuces dans les nuanceurs pour le long métrage où la composition numérique était très présente. La formation d’une équipe complète d’effets 2D a nécessité l’intégration du logiciel Toon Boom dans le pipeline de notre environnement Linux. Ce processus, d’abord manuel, s’est automatisé au fur et à mesure que les compositeurs recevaient automatiquement tous les effets finaux dans la composition finale.
Nous avons aussi utilisé un logiciel de chevelure-pelage (grooming) différent de celui de Mikros, de sorte que notre équipe technique et notre superviseur en images de synthèse ont pu introduire des guides de courbes à partir d’un logiciel de chevelure-pelage et reproduire le résultat final de chevelure-pelage à partir de Houdini pour qu’il fonctionne dans Gaffer. Ils ont peuvent également pu faire des simulations de chevelure-pelage dans le cadre de ce processus. Une fois que nous avions établi quels seraient nos outils, notre processus et notre pipeline, il ne nous restait plus qu’à respecter notre échéancier et nos dates de livraison.
Eric: Sur le plan technique, on devait parfois faire face à des problèmes de stroboscopie causés par les caméras en mouvement, car c’était notre premier film animé en intervalle, alors que les mouvements de caméra étaient en animation 3D classique. Nous avons adapté notre approche, en étudiant de manière approfondie les films qui ont utilisé les techniques de NPR dans le cadre de notre processus d’apprentissage pour l’intégrer. Un autre défi que nous avons dû relever était le fait que de nombreux personnages portaient ou tenaient plusieurs accessoires. Nous devions constamment gérer les ceintures, les bracelets, les sangles, etc. qui affectaient la géométrie des mouvements.
Cela dit, nous avions une équipe de finalisation de plans et d’animation technique extraordinaire. Bravo à eux et à toutes les personnes qui ont fait un travail fantastique sur le film!
Dans le plus pur style des Tortues, la livraison par Cinesite de 21 minutes de film a été le fruit d’un travail d’équipe. En fin de compte, quatre sites du groupe ont contribué à la réalisation de cette production.