Des disparitions mystérieuses et des phénomènes étranges ont planté le décor pour la dernière saison de True Detective: Night Country. La série de HBO en six épisodes se déroule dans le froid du « pays de la nuit polaire », l’Alaska, où les détectives Liz Danvers (Jodie Foster) et Evangeline Navarro (Keli Reis) sont chargées d’élucider la sombre histoire d’une ville isolée située à la limite de l’État le plus au nord des États-Unis. Night Country est réalisé par Issa López, et le superviseur des effets visuels du studio est Barney Curnow.
En tant que principal fournisseur d’effets visuels, Cinesite a concentré ses efforts à amplifier l’atmosphère obsédante au cœur de la série. En effet, la séquence d’ouverture de la série mystérieuse a été l’une de nos plus difficiles.
Le caribou
Dans un paysage glacé et lointain, nous voyons un chasseur accroupi dans la neige, son fusil braqué sur une harde de caribous qui se tiennent à bonne distance, le soleil se couchant derrière eux. Le chasseur observe attentivement les animaux. Une créature en particulier semble être effrayée par un danger invisible; nous voyons sa tête en gros plan, en contemplation, avant qu’elle ne brame pour avertir le reste de la harde. Le cri de panique se répercute rapidement, et tous les autres caribous se sauvent au galop. Alors que le soleil se couche et que l’obscurité s’installe, nous voyons les caribous courir vers le bord d’une falaise de glace, d’où ils s’élancent. Cette scène du début brosse un tableau inquiétant qui donne le ton au reste de la saison, où les choses sont bien différentes de ce qu’elles semblent être.
Simon Stanley-Clamp, superviseur des effets visuels chez Cinesite, explique le défi que représentait la création d’une séquence qui a presque entièrement été générée par ordinateur. « Les plaques photographiques ont été filmées en Islande, sur un glacier d’une chaîne de montagnes où le paysage de neige blanche débouche sur un ciel blanc. On devait ajouter le coucher de soleil et créer une définition à mesure que le soleil disparaissait pour laisser place à la nuit. En fin de compte, on a tout remplacé, en extrayant le chasseur de la plaque photographique et en le plaçant dans notre environnement sur mesure, qui s’inspirait plus ou moins de la maquette qui avait été prise. »
Le renne et le caribou sont de la même espèce et partagent de nombreuses caractéristiques physiques, mais le caribou est légèrement plus grand et plus costaud, avec une fourrure plus longue. Le point de départ de Cinesite a été une prise de vue photographique de rennes. Les références obtenues lors de cette prise de vue ont aidé à développer tous les aspects du caribou, que ce soit la texture, le pelage, l’éclairage et le mouvement.
La fourrure des caribous diffère selon les saisons; l’équipe a statué sur un mélange de pelage du printemps et de celui d’automne, qui n’était ni trop ébouriffé ni trop court. La texture et la longueur des poils varient sur tout le corps, et une caractéristique importante apparaît quand la bête se dandine. La fourrure au niveau de la poitrine ressemble presque à une barbe, elle est beaucoup plus longue et touffue qu’ailleurs. Simon, superviseur chez Cinesite, explique : « On a créé différentes textures de fourrure sur le dos, les pattes, l’abdomen et la poitrine. Quand les pattes commençaient à être trop ébouriffées, on mouillait la fourrure pour qu’elle devienne plus mate et qu’elle colle plus à la peau. Une autre considération importante est que les images de référence nous ont montré qu’il y a toujours de la neige dans la fourrure des caribous, qui s’accumule autour de leurs sabots, le long de leurs tibias, ainsi que sur leur museau et leurs sourcils. On devait intégrer minutieusement les flocons de neige. »
La tête des animaux a été arrangée méticuleusement pour permettre les détails nécessaires aux gros plans, y compris les naseaux ouverts, l’intérieur des gueules mugissantes avec les langues qui sortent, ainsi que les contractions et mouvements subtils des pommettes et des sourcils.
La subtilité de l’animation devait être extrêmement convaincante. Le malaise qui commence chez un seul caribou se transmet lentement et graduellement à la harde, comme l’évolution d’une idée. Les animateurs ont créé une bibliothèque de postures, explorant la manière dont les animaux déplacent leur poids sur leurs pattes avant, broutent, s’assoient et se lèvent. Ces cycles de mouvement ont été intégrés au comportement de l’ensemble de la harde, en ajoutant des touches telles que le broutage, l’inclinaison de leur tête, le battement des oreilles, etc. Les animateurs ont construit une série de cycles de marche et de galop qu’ils pouvaient combiner. Simon précise : « Le mouvement de la harde a été créé en combinant la simulation de foule et l’animation manuelle; l’animation était surtout manuelle. Il y a des plans où l’on aperçoit 25 ou 30 caribous qui ont tous été animés manuellement, même ceux qui sont flous à l’arrière-plan ont été retouchés, un par un. »
L’ours polaire
Les animaux apparaissent comme de sinistres présages dans Night Country. Un ours polaire aperçu dans le premier épisode passe devant l’automobile d’Evangeline à Ennis Town, l’effrayant alors qu’il s’arrête avant de s’éloigner. Le même ours revient dans un épisode ultérieur, où Danvers fait une embardée pour éviter de le frapper, se retrouvant dans un banc de neige alors que l’animal la menace du regard à travers la vitre côté conducteur.
La production a créé une tête de toutou réaliste qui a été utilisée sur le plateau pour fournir des références utiles pour l’éclairage et l’envergure, ainsi que pour fournir aux artistes une ligne de référence.
L’ours a perdu un œil et porte une cicatrice distinctive sur le museau. Simon explique : « Le look de l’ours polaire a été changé plusieurs fois avant qu’on trouve, avec le réalisateur, la bonne physionomie. C’est un ours très amaigri et amoché, avec une cicatrice à l’endroit où il a perdu un œil, après s’être battu à un moment donné de sa vie. Tout de même, il devait susciter un sentiment convaincant de puissance et de danger. On a aussi créé plusieurs pelages avant de trouver le bon. Le pelage des premières versions était plus hirsute, long et gras. La version finale est plus lisse que ça, mais on s’est arrangé pour que le pelage ne paraisse pas trop “mignon” ou duveteux. »
Le souffle numérique a été ajouté tout au long de la saison, pour refléter l’atmosphère glaciale et l’air froid. L’ours est une bête à sang chaud et lorsque nous le voyons regarder à travers la vitre du côté conducteur de Danvers, le souffle de l’ours fait de la buée sur la vitre pendant une pause, puis l’ours s’éloigne. C’est un moment troublant; un souffle a été ajouté à la fenêtre latérale, lequel s’évapore pour révéler l’ours qui fixe l’intérieur.
Pour que les mouvements de l’ours soient convaincants, il était essentiel de lui donner une impression réaliste de pesanteur. Il est lourd et lent, avance avec une intention lente et un sentiment de puissance. L’équipe Effets de créatures a créé des balancements et de petites secousses réalistes de graisse, ses muscles bougeant de manière convaincante sous sa peau.
Ennis Town et au-delà
Night Country se déroule dans la ville isolée d’Ennis Town, en Alaska, mais a été filmé en Islande. Un travail colossal sur l’environnement a été nécessaire tout au long de la saison pour recréer de manière réaliste le territoire et les paysages de l’Alaska. Des chaînes de montagnes lointaines ont été ajoutées à l’arrière-plan, menant à la ville, dont les faubourgs s’étendent jusqu’à une surface gelée et ouverte sur la mer, une nature sauvage perpétuellement enneigée. Ces prolongements de la ville ont été réalisés grâce à une combinaison de techniques d’images de synthèse et de décor numérique. D’autres travaux ont nécessité l’ajout de lampadaires, des modifications de la langue sur des panneaux de signalisation et le retrait d’équipes.
Ajout de frissons
Un vent glacial s’abat sur Ennis Town sous la forme d’un blizzard à la fin du quatrième épisode. De nombreux effets météorologiques ont été réalisés à l’aide de neige ramassée sur le plateau, mais il a fallu la rendre conforme en l’adaptant et l’étendre au moyen de techniques d’effets visuels. « Ils ont utilisé de la fausse neige dans laquelle ils ont injecté de la fumée et qu’ils ont soufflée avec des ventilateurs », explique Simon. « On a utilisé la réalité augmentée en recréant son look avec un brouillard volumétrique combiné à des effets d’images de synthèse, en ajoutant des particules de neige pour l’étoffer, en ajustant la vitesse, la densité et la profondeur, plan par plan. »
D’autres considérations ont été prises en compte pour recréer le look des anciens objectifs privilégiés par le directeur de la photographie, ce qui a donné lieu à des absurdités, des distorsions et des imperfections intéressantes. Ces éléments ont eu un effet particulier sur la trajectoire et le mouvement de la neige et il était important de rester fidèle à la photographie principale. De plus, la neige est souvent vue à travers les vitres des voitures, de sorte qu’une double couche de distorsion était parfois nécessaire.
Le défi du photoréalisme
Cinesite a créé des monstres et d’autres créatures du monde pour d’innombrables productions de films à épisodes et de longs métrages par le passé. « Avec les créatures fantastiques, il n’y a pas d’attente de la part du public sur ce qu’il pourrait voir », dit Simon. « Par contre, avec le réalisme, il y a un défi supplémentaire : les gens pensent qu’ils savent à quoi quelque chose devrait ressembler, ce qui est à bien des égards plus difficile. Je suis incroyablement fier de toute l’équipe pour son travail sur Night Country, qui, selon moi, place la barre très haut en ce qui concerne la qualité et le réalisme. »
- Date de sortie : 14 Jan 2024
- Studio : HBO